Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/280

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— Tu aurais tort, si l’enfant doit y gagner. Il n’est point heureux chez toi ; il pourrait l’être ailleurs.

— Comment ! il n’est point heureux ? J’espère que si, sauf les jours où je m’absente. Eh bien, je ne m’absenterai plus.

— Je te dis qu’il n’est guère mieux les autres jours.

— Comment ! comment ! dit encore Brulette, frappant ses mains avec dépit, où prends-tu cela ? M’as-tu jamais vue le maltraiter ou seulement le menacer ? Puis-je l’empêcher d’être d’un naturel mal plaisant et rechigneux ? Il serait à moi que je n’en saurais faire davantage.

— Oh ! je sais que tu ne lui fais aucun mal et ne le laisses souffrir de rien, parce que tu es douce chrétienne ; mais enfin, tu ne saurais l’aimer, cela ne dépend pas de toi, et, sans le savoir, il le sent si bien qu’il n’est porté à aimer et à caresser personne. Les animaux ont bien la connaissance du bon vouloir ou de la répugnance qu’ils nous occasionnent ? Pourquoi les petits humains ne l’auraient-ils pas ?




VINGTIÈME VEILLÉE


Brulette rougit, bouda, pleura encore et ne répondit point ; mais le lendemain, je la trouvai menant ses bêtes aux champs et ayant avec elle, contre son habitude, le gros Charlot sur ses bras. Elle s’assit au lieu du pâturage, et l’enfant se roulant sur sa robe, elle me dit :

— Tiennet, tu avais raison hier. Tes reproches m’ont donné à penser, et mon parti en est pris. Je ne promets pas d’aimer beaucoup ce Charlot, mais au moins d’agir tout comme, et peut-être que Dieu m’en récompensera un jour en me donnant des enfants plus mignons que celui-là.