Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/287

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soutenus par les commères et les intéressés qui jalousaient la prétendue fortune du père Brulet ; si bien que Brulette, informée de ces malices, fut obligée de défendre sa porte à des curieux mal intentionnés, ou à de lâches amis qui, par faiblesse, répétaient ce qu’ils avaient ouï dire aux autres.

Ce fut de cette manière qu’en moins d’une année, la reine du bourg, la rose de Nohant, fut abîmée des méchants et abandonnée des sots. On fit d’elle des diffamations si noires, que je tremblais qu’elle n’en eût connaissance, et que, moi-même, j’en étais par des fois tourmenté, et embarrassé d’y répondre.

La plus forte des menteries, mais à laquelle le père Brulet aurait bien dû s’attendre, c’est que Charlot n’était ni un pauvre champi abandonné, ni un fils de prince élevé en secret, mais bien l’enfant de Brulette. J’avais beau remontrer que cette jeunesse ayant toujours vécu ouvertement sous les yeux du monde, et n’ayant jamais favorisé personne en particulier, ne pouvait pas avoir commis une faute si difficile à cacher. On me répondait par l’exemple d’une telle et d’une telle, qui avaient bien gaillardement dissimulé leur état jusqu’au dernier jour, et avaient reparu, quasi le lendemain, aussi tranquilles et réveillées que si de rien n’était, et même avaient réussi à cacher les conséquences, jusque après s’être mariées avec les auteurs ou les dupes de leur faute. Cela était malheureusement arrivé plus d’une fois chez nous. Dans nos petits bourgs de campagne, où les maisons sont toutes parsemées emmi les jardins, et séparées les unes des autres par des chènevières, des luzernières, voire des champs assez étendus, il n’est pas aisé de voir et d’entendre à toute heure de nuit les uns chez les autres, et, de tout temps, il s’est passé bien des choses dont le bon Dieu seul a fait le jugement.

Une des plus enragées langues était celle de la mère Lamouche, depuis que Brulette l’avait surprise dans son