Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’y sont logés pour leur plaisir, il ne leur en fallait guère.

C’est pourtant dans cette masure que le bonheur attendait quelques-uns de ceux dont je vous dis l’histoire, et comme s’il y avait un je ne sais quoi de caché dans l’homme, qui le régale par avance des biens qui lui sont promis, Brulette et moi ne trouvâmes rien de laid ni de triste en cet endroit. Le préau herbu, entouré de deux côtés par les ruines, des deux autres par le petit bois dont nous sortions ; la grande haie où déjà je m’étais étonné de voir des arbustes connus seulement dans les jardins des riches, ce qui marquait que le lieu avait eu des soins et des agréments ; le gros portail trapu, tout-encombré de décombres, où l’on voyait pourtant des bancs de pierre, comme si au temps jadis quelque guetteur avait eu charge de garder cette baraque réputée précieuse ; des ronces si longues qu’elles couraient d’un bout à l’autre de ce chétif enclos : tout cela, encore que semblable à une prison fermée d’oubli et de délaissement plus qu’autrefois de guerre et de méfiance, nous parut cependant aimable comme le soleil de printemps qui en perçait les barrières et en séchait l’humidité. Peut-être aussi que la vue de notre vieille connaissance, le clairin d’Huriel, qui paissait là en liberté, nous fut un avant-goût de la présence d’un vrai ami. Je compte qu’il nous reconnut, car il vint se faire caresser, et Brulette ne se put tenir de baiser la lune blanche qu’il avait au front.

— Voilà mon château, dit Thérence en nous menant à une chambre où déjà étaient installés son lit et ses petits meubles, et vous voyez, à côté, celle de mon frère et de mon père.

— Il va donc venir, le grand bûcheux ? m’écriai-je en sautant d’aise ; à la bonne heure ! car je ne connais pas de chrétien plus à mon goût.

— Et raison vous avez, fit Thérence en me tapant sur l’oreille d’un air d’amitié. Il vous aime aussi.