Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/333

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j’aurais compris que mon frère n’en tînt compte et pardonnât tout à la franche confession ; mais se laisser tant courtiser et admirer sans rien dire… Voyons, Tiennet, ne savez-vous vraiment rien ? Ne pouvez-vous, à tout le moins, deviner ou supposer quelque chose qui me tranquillise ? J’aime tant Brulette, que je ne me sens point le courage de la condamner. Et pourtant que me dira mon père, s’il pense que j’aurais dû tout faire pour retenir Huriel dans un pareil danger ?

— Thérence, je ne peux rien vous dire, sinon que, moins que jamais, je doute de Brulette ; car, si vous voulez savoir quelle était la seule personne que je pusse soupçonner de l’avoir abusée, et sur qui les accusations du monde eussent un peu d’apparence de raison, je vous dirai que c’était Joseph, lequel m’en paraît aussi blanc que neige, d’après ce que votre frère vient de nous en apprendre. Or, il n’y avait au monde, à ma connaissance, qu’un autre garçon, je ne dis pas capable, mais en position, par son amitié avec Brulette, de se laisser détourner de son honneur par une mauvaise tentation. Ce garçon-là, c’est moi. Eh bien, le croyez-vous, Thérence ? Regardez-moi dans les yeux avant de me répondre. Personne ne me l’a jamais imputé, que je sache, mais je pourrais en être le païen tout de même, et vous ne me connaissez point assez pour être sûre de mon honnêteté et de ma parole. Voilà pourquoi je vous dis, regardez à ma figure si le mensonge et la lâcheté s’y peuvent loger à leur aise ?

Thérence fit ce que je lui disais et me regarda sans montrer d’embarras, puis elle me dit :

— Non, Tiennet vous, n’êtes pas dans le cas de mentir comme ça ; et si vous êtes tranquille sur Brulette, je sens que je dois l’être aussi. Allons, mon garçon, allez-vous-en à la fête : je n’ai plus besoin de vous ici.

— Si fait, lui dis-je. Cet enfant va vous embarrasser.