Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/342

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père fait son devoir, comme il le fera, je vous en réponds !

Le pauvre Huriel eut chaud et froid ; mais, pensant que ce fût une épreuve, il la soutint et dit :

— Le père fera son devoir, moi aussi, j’en réponds ! car il n’y aura pas d’autre père que moi pour tous les enfants nés ou à naître.

— Oh ! quant à ça, reprit-elle, vous n’en serez pas le maître, je vous en donne ma parole !

— J’espère que si, dit-il en serrant son verre, comme s’il l’eût voulu écraser dans ses doigts. Quiconque abandonne son bien n’a plus à y repêcher, et je suis un gardien assez fidèle pour ne point souffrir les maraudeurs.

Ma tante allongea sa petite main sèche et la passa sur le front d’Huriel. Elle y sentit la sueur, encore qu’il fût très-pâle ; et, changeant tout à coup sa mine de malin diable en une figure bonne et franche comme l’était le fond de son cœur :

— Mon garçon, lui dit-elle, mettez vos coudes sur la table et venez ici tout auprès de ma bouche. Je vous veux donner un bon baiser sur la joue.

Huriel, étonné de son air attendri, se prêta à sa fantaisie. Elle releva les cheveux épais de sa tempe et avisa le gage de Brulette, qu’il portait toujours, et que sans doute elle connaissait. Alors, approchant sa grande bouche, comme si elle l’eût voulu mordre ; elle lui glissa quatre ou cinq paroles dans le tuyau de l’ouïe, mais si bas, si bas, que je n’en pus rien attraper. Puis elle ajouta tout haut, en lui pinçant le bout de l’oreille :

— Allons ! voilà une oreille très-fidèle, mais convenez qu’elle en-est bien récompensée ?

Huriel ne fit qu’un saut par-dessus la table, renversant les verres et la chandelle que je n’eus que le temps de rattraper. Il se trouvait déjà assis auprès de ma petite tante et l’embrassait aussi fort que si elle