Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/359

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quelque chose de décidé et de hardi qui montrait enfin le rude vouloir si longtemps caché au dedans.

Je ne bougeai, voulant savoir de quelle façon il aborderait Brulette et ce qu’on pouvait augurer de sa prochaine rencontre avec Huriel. Sans doute il étudiait la figure de Brulette et y cherchait la vérité, et peut-être que sous ses yeux, clos par un léger somme, il reconnut la paix du cœur ; car la fillette était bien jolie, vue comme cela au feu de l’âtre. Elle avait encore le teint animé de plaisir, la bouche souriante de contentement, et les fines soies de ses yeux abaissés envoyaient sur ses joues une ombre très-douce, qui semblait cligner en dessous, comme ces regards fripons que les jeunes filles détournent pour mieux voir. Mais elle dormait pour tout de bon, et, rêvant sans doute d’Huriel, ne songeait pas plus à amorcer Joseph qu’à le repousser.

Je vis qu’il la trouvait si belle que son dépit ne tenait plus qu’à un fil, car il se baissa vers elle, et, avec une résolution dont je ne l’aurais jamais cru doué, il approcha sa bouche tout près de la sienne et l’eût touchée, si, par je ne sais quelle bisque qui me vint, je n’eusse toussé fortement pour arrêter le baiser au passage.

Brulette s’éveilla en sursaut ; je fis comme si pareille chose m’arrivait, et Joseph se trouva un peu sot entre nous deux qui lui demandions ses portements, sans qu’il y eût apparence de confusion dans Brulette ni de malice dans moi.




VINGT-SIXIÈME VEILLÉE


Joseph se remit très-vite, et, reprenant son courage, comme s’il n’en eût point voulu garder le démenti : — Je suis aise de vous trouver céans, dit-il à Brulette, et, après un an écoulé sans nous voir, ne voulez-vous plus embrasser votre ancien ami ? Il s’approcha encore ; mais elle se recula, étonnée de son air singulier, et lui