Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/362

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mon tour. Il faut que cela soit, car je sais danser, à présent, tout comme un autre, et, pour la première fois de ma vie, je vas danser avec vous. J’entends revenir les musettes. Venez, et vous verrez que je ne bouderai plus contre le plaisir d’être au nombre de vos serviteurs.

— Joset, répondit Brulette, que ce discours ne contenta qu’à demi, vous vous trompez si vous pensez que j’ai encore des serviteurs. J’ai pu être coquette, c’était mon goût, et je n’ai pas de compte à rendre de moi ; mais j’avais aussi le droit et le goût de changer. Je ne danse donc plus avec tout le monde, et, ce soir, je ne danserai pas davantage.

— J’aurais cru, dit Joseph piqué, que je n’étais pas tout le monde pour l’ancienne camarade avec qui j’ai communié et vécu sous le même toit !

La musique et les noceux, qui arrivaient à grand bruit, lui coupèrent la parole, et Huriel entrant, tout animé, sans faire la moindre attention à Joseph, prit Brulette dans ses bras, l’enleva comme une paille et la conduisit à son père qui était dehors, et qui l’embrassa bien joyeusement, au grand crève-cœur de Joseph qui la suivait, et qui, serrant les poings, la voyait faire à ce vieux les amitiés d’une fille à son père.

Me coulant alors à l’oreille du grand bûcheux, je lui fis observer que Joseph était là, et, le prévenant de sa mauvaise humeur, je lui dis qu’il serait à propos qu’il emmenât Huriel, tandis que je déciderais bien aisément Brulette à se retirer aussi. Par ce moyen, Joseph, qui n’était pas de la noce et que ma tante ne retiendrait point, serait bien obligé d’aller coucher à Nohant ou dans quelque autre maison du Chassin. Le grand bûcheux fut de mon avis ; et faisant semblant de ne point voir Joseph, qui se tenait à l’écart, il se consulta avec Huriel, tandis que Brulette s’en alla voir dans quel endroit de la maison elle pourrait passer la nuit.