Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/403

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Nous étant ainsi accordés, j’allai dire à Thérence que nous étions en mesure contre n’importe quel danger, et, nous » munissant chacun d’une bonne trique, nous arrivâmes Saint-Chartier à l’heure dite.

Le cabaret à Benoît était si rempli, qu’on ne s’y pouvait retourner et que force nous fut d’accepter une table en dehors. En somme, je ne fus pas fâché d’y installer ma réserve, et, leur recommandant bien de ne se point ivrer, je me coulai dans la maison où je comptai seize cornemuseux de profession, sans parler d’Huriel et de son père, qui étaient attablés au coin le plus obscur de la salle, le chapeau sur les yeux, et d’autant moins aisés à reconnaître que peu de ceux qui se trouvaient là les avaient aperçus ou rencontrés dans le pays. Je fis comme si je ne les voyais point, et, parlant haut à leur portée, je m’enquis à Benoît de cette bande de sonneurs réunis à son auberge, comme d’une chose dont je n’avais pas seulement ouï parler et dont je ne connaissais point le motif.

— Comment, me dit le patron, qui relevait de sa maladie et qui était beaucoup blêmi et mandré, ne sais-tu point que Joseph, ton ancien ami, le garçon de ma ménagère, va passer au concours avec le fils Carnat ? Je ne te cache pas que c’est une sottise, me dit-il tout bas. La mère s’en désole et craint les mauvaises raisons qui s’échangent dans ces sortes de conseils. Mêmement, elle en est si troublée qu’elle en perd la tête et qu’on se plaint d’être mal servi céans, pour la première fois.

— Vous puis-je aider en quelque chose ? lui dis-je, souhaitant d’avoir une raison pour rester en dedans, et tourner autour des tables.

— Ma foi, mon garçon, répondit-il, si tu y as bonne volonté, tu me rendras service, car je ne te cache pas que je suis encore faible, et ne peux pas me baisser pour tirer le vin, sans avoir le vertige ; mais j’ai confiance en toi : voilà la clef du cellier. Charge-toi de