Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/413

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lui la Mariton qui pleurait, tenant Charlot dans ses bras, voilà la mère de mon héritier, et voilà mon fils reconnu par mon mariage avec cette brave femme. Si vous m’en demandez la date bien au juste, je vous répondrai que Vous ayez à vous mêler de vos affaires ; mais pourtant, à celui qui aurait de bonnes raisons pour me questionner, je pourrais montrer des actes qui prouvent que j’ai toujours reconnu l’enfant pour mien, et qu’avant sa naissance, sa mère était déjà ma légitime épouse, encore que la chose fût tenue cachée.

Il se fit un grand silence d’étonnement, et Joseph, qui s’était levé aux premiers mots, resta debout comme changé en pierre. Le moine, qui vit du doute, de la honte et de la colère dans ses yeux, jugea à propos de donner quelques explications de plus. Il nous apprit que Benoît avait été empêché de rendre son mariage public par l’opposition d’un parent à succession qui lui avait prêté des fonds pour son commerce, et qui aurait pu le ruiner en lui en demandant la restitution. Et comme la Mariton craignait d’être attaquée dans sa renommée, surtout à cause de son fils Joseph, elle avait caché la naissance de Charlot et l’avait mis en nourrice à Sainte-Sevère ; mais, au bout d’un an, elle l’avait trouvé si mal éduqué, qu’elle avait prié Brulette de s’en charger, comptant que nulle autre n’en aurait autant de soin. Elle n’avait point prévu que cela ferait du tort à cette jeunesse, et quand elle l’avait su, elle avait voulu reprendre l’enfant ; mais la maladie de Benoît avait fait empêchement, et Brulette, d’ailleurs, s’y était si bien attachée, qu’elle n’avait point voulu s’en séparer.

— Oui, oui, dit vivement la Mariton, la pauvre âme qu’elle est ! elle m’a montré son courage dans l’amitié. « Vous avez assez de peine comme cela, me disait-elle, s’il faut que vous perdiez votre mari, et que peut-être votre mariage soit attaqué ensuite par sa famille. Il