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Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/426

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soutiendraient à l’occasion ; mais l’heure était avancée, et il n’y avait plus au Bœuf couronné que Benoît qui soupait avec le carme, la Mariton qui faisait des prières, et Joseph qui s’était jeté sur un lit et dormait, je dois le dire, avec une tranquillité qui nous fit honte de nos hésitations.

— Je n’ai qu’une espérance, nous dit la Mariton en se relevant de sa prière, c’est qu’il laissera passer l’heure et ne se réveillera que demain matin.

— Voilà les femmes ! répondit Benoît en riant ; elles croient qu’il fait bon vivre au prix de la honte. Mais moi, j’ai donné à son garçon parole de le réveiller avant minuit, et je n’y manquerai point.

— Ah ! vous ne l’aimez pas ! s’écria la mère. Nous verrons si vous pousserez notre Charlot dans le danger, quand son tour viendra.

— Vous ne savez ce que vous dites, ma femme, répondit l’aubergiste. Allez dormir avec mon garçon ; moi, je vous réponds de ne pas trop laisser dormir le vôtre. Je ne veux point qu’il me reproche de l’avoir déshonoré.

— Et d’ailleurs, dit le carme, quel danger voulez-vous, donc voir dans les sottises qu’ils vont faire ? Je vous dis que vous rêvez, ma bonne femme. Le diable ne mange personne ; Dieu ne le souffrirait point, et vous n’avez pas si mal élevé votre fils, que vous craigniez qu’il se veuille damner pour la musique ? Je vous répète que les vilaines pratiques des sonneurs ne sont, après tout, que de l’eau claire, des badinages impies, dont les gens d’esprit savent fort bien se défendre, et il suffira à Joseph de se moquer des démons dont on lui va parler pour les mettre tous en fuite. Il ne faut pas d’autre exorcisme, et je vous réponds que je ne voudrais pas perdre une goutte d’eau bénite avec le diable qu’on lui montrera cette nuit.

Les paroles du carme mirent le cœur au ventre de mes camarades.