Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/431

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baissant, je reconnus que cette lueur venait du dessous et perçait le sol où je marchais. J’observai aussi que ce sol se renflait en voûte sous mes pieds, et, craignant qu’il ne fût point solide, je ne m’aventurai point au mitant, mais, suivant le mur, je m’avisai de plusieurs crevasses où, en me couchant par terre, je collai ma vue bien commodément et vis tout ce qui se passait dans un autre caveau rond, placé juste au-dessous de celui où j’étais.

C’était, comme j’ai su après, un ancien cachot, attenant à celui de la grande oubliette dont la bouche se voyait encore, il n’y a pas trente ans, dans les salles hautes du château. Je m’en doutai bien, à voir les débris d’ossements qu’on y avait dressés en manière d’épouvantail, avec des cierges de résine plantés dans des crânes au fond de l’enceinte. Joseph était là tout seul, les yeux débandés, les bras croisés, aussi tranquille que je l’étais peu, et paraissant écouter avec mépris le tintamarre des dix-huit musettes qui braillaient toutes ensemble, prolongeant la même note en manière de rugissement. Cette musique d’enragés venait de quelque cave voisine, où les sonneurs se tenaient cachés, et où, sans doute, ils savaient qu’un écho singulier trentuplait la résonnance ; moi, qui n’en savais rien et qui ne m’en avisai que par réflexion, je pensai d’abord qu’il y avait là tous les cornemuseux du Berry, de l’Auvergne et du Bourbonnais rassemblés.

Quand ils se furent soûlés de faire ronfler leurs instruments, ils se mirent à pousser des cris et des miaulements qui, répétés par ces échos, paraissaient être ceux d’une grande foule mêlée d’animaux furieux de toute espèce ; mais à tout cela, Joseph, qui était véritablement un homme comme j’en ai peu vu dans les paysans de chez nous, se contentait, de lever les épaules et de bâiller, comme ennuyé d’un jeu d’imbéciles.

Son courage passait en moi, et je commençais à vouloir rire de la comédie, quand un petit bruit me fît