Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/434

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— On voit, lui dit-il, que tu ne redoutes pas les sortiléges et on t’en tiendra quitte, si tu te veux conformer à l’usage, qui est de battre le diable, en marque de refus que tu fais chrétiennement de te soumettre à lui.

— Si le diable veut être bien étrillé, répliqua Joseph, donnez-m’en la permission vitement, et il verra si sa peau est plus dure que la mienne. Quelles sont les armes ?

— Aucune autre que les poings, répondit Carnat.

— C’est en franc jeu, j’espère ? dit le grand bûcheux. Joseph ne prit pas le temps de s’en assurer, et encolèré du jeu qu’on faisait de lui, il sauta sur le diable, lui arracha sa coiffure et le prit au corps si résolument qu’il le jeta par terre et tomba dessus.

Mais il se releva aussitôt, et il me sembla qu’il poussait un cri de surprise et de souffrance ; mais toutes les musettes se mirent à jouer, sauf celles d’Huriel et de son père, lesquels faisaient semblant, et regardaient le combat d’un air de doute et d’inquiétude.

Cependant Joseph roulait le diable et paraissait le plus fort ; mais je trouvais en lui une rage qui ne me paraissait point naturelle et qui me faisait craindre que, par trop de violence, il ne se mît dans son tort. Les sonneurs semblaient l’y aider, car, au lieu de secourir leur camarade, trois fois renversé, ils tournaient autour de la lutte, sonnant toujours et frappant des pieds pour l’exciter à tenir bon.

Tout d’un coup, le grand bûcheux sépara les combattants en allongeant un coup de bâton sur les pattes du diable, et menaçant de faire mieux la seconde fois, si on ne l’écoutait parler. Huriel accourut à son côté, le bâton levé aussi, et tous les autres s’arrêtant de tourner et de sonner, il se fit un repos et un silence.

Je vis alors que Joseph, vaincu par la douleur, essuyait ses mains déchirées et sa figure couverte de sang, et que si Huriel ne l’eût retenu dans ses bras, il