Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/452

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de ne point laisser Charlot s’énamourer de la musique. C’est une trop rude maîtresse pour des gens comme nous autres. Nous n’avons point la tête assez forte pour ne point prendre le vertige sur les hauteurs où elle nous mène !

— Oh ! mon père, s’écria Thérence, si vous pouviez l’abandonner, Dieu sait dans quels malheurs elle vous jettera aussi !

— Sois tranquille, ma chérie, répondit le grand bûcheux. M’en voilà revenu ! Je veux vivre en famille, élever ces petits enfants-là, que je vois déjà en rêve danser sur mes genoux. Où est-ce que nous nous fixons, mes chers enfants ?

— Où vous voudrez, s’écria Thérence.

— Et où voudront nos maris, s’écria Brulette.

— Où voudra ma femme, m’écriai-je aussi.

— Où vous voudrez tous, dit Huriel à son tour.

— Eh bien, dit le grand bûcheux, comme je sais vos humeurs et vos moyens, et que je vous rapporte encore un peu d’argent, j’ai calculé, en route, qu’il était aisé de contenter tout le monde. Quand on veut que la pêche mûrisse, il ne faut point arracher le noyau. Le noyau, c’est la terre que possède Tiennet. Nous allons l’arrondir et y bâtir une bonne maison pour nous tous. Je serai content de faire pousser le blé, de ne plus abattre les beaux ombrages du bon Dieu, et de composer mes petites chansons à l’ancienne mode, le soir, sur ma porte, au milieu des miens, sans aller boire le vin des autres et sans faire de jaloux. Huriel aime à courir le pays, sa femme est, à présent, de la même humeur. Ils prendront des entreprises comme celle de cette futaie, où je vois que vous avez bien travaillé, et iront passer la belle saison dans les bois. Si leur famille trop jeune les embarrasse quelquefois, Thérence est de force et de cœur à gouverner double nichée, et on se retrouvera à la fin de chaque automne avec double plaisir, jusqu’au jour où mon fils, après m’avoir fermé