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Les Maîtres Sonneurs

Joset sortit, et le vent, qui était redevenu fort, repoussa sitôt la porte entre lui et nous. Brulette, qui s’était levée aussi, fit mine de la rouvrir pour voir ce que c’était ; mais je l’en empêchai vitement, lui remontrant qu’il y avait là-dessous quelque mauvais secret, si bien qu’elle commença aussi d’être épeurée et de regretter d’être venue là.

— N’ayez crainte, Brulette, que je lui dis ; je crois aux méchants esprits, mais ne les redoute point. Ils ne font de mal qu’à ceux qui les recherchent, et tout ce qu’ils peuvent sur les vrais chrétiens, c’est de leur donner frayeur ; mais cette frayeur-là, on peut et on doit la combattre. Tenez, dites une prière ; moi, je garderai la porte, et je vous assure que rien de nuisible n’entrera céans.

— Mais ce pauvre gars, répondit Brulette, s’il s’est mis dans un mauvais chemin, ne faudrait-il pas tâcher de l’en retirer ?

Je lui fis signe d’avoir à se taire, et, planté derrière la porte, avec mon fusil tout armé, j’écoutai de toutes mes oreilles. Le vent soufflait fort, et la clochette ne s’entendait plus que par moments et en paraissant s’éloigner. Brulette se tenait au fond de la maison, moitié riant, moitié tremblant, car c’était une fille sans grand souci, qui volontiers se moquait du diable, et qui, pourtant, n’aurait point souhaité d’en faire la connaissance.

Tout à coup j’entendis, non loin de la porte, Joset qui revenait, disant :

— Oui, oui ! sitôt la Saint-Jean qui vient ! Merci à vous et au bon Dieu ! Il sera fait comme vous souhaitez, et vous en avez ma parole.

Comme il parlait du bon Dieu, je repris confiance, et, ouvrant la porte un petit, j’avisai dehors, où je reconnus, au moyen de la clarté qui sortait de la maison, Joset à côté d’un homme bien vilain à voir, car il était noir de la tête aux pieds, mêmement sa figure et