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les sept cordes de la lyre

Albertus. Vous me prenez pour un enfant… Je tournerai cette cheville avec tant de lenteur… (Il y touche, et la corde se brise.)

Méphistophélès. Vous l’avez tournée à rebours. Décidément, vous êtes adroit comme un philosophe !

Albertus. Quel cri lamentable est parti du sein des ondes ! Ne l’avez-vous pas entendu, maître Jonathas ?

Méphistophélès. Le grincement de cette corde cassée agace les nerfs du courlis endormi dans les roseaux.

Albertus. Quel coup de vent ! Les peupliers se plient comme des joncs !

Méphistophélès. Il va faire de l’orage. Bonsoir, maître Albertus.

Albertus. Vous me quittez ! Ne m’expliquerez-vous pas ce que j’éprouve en cet instant ? Une terreur invincible s’empare de moi. La sueur coule de mon front. Ah ! ne riez pas de ma détresse ! Je consens à souffrir, je consens même à être humilié, pourvu que mon esprit s’éclaire, et que je fasse, à mes dépens, un pas vers la connaissance de la vérité.

Méphistophélès, éclatant de rire. La vérité, c’est que vous êtes un grand philosophe, et que vous avez peur du diable. (Il se montre sous sa véritable forme. Albertus fait un cri et tombe évanoui.)

Méphistophélès. Maintenant, privée de toutes les cordes qui chantent la gloire ou la bonté de son maître, cet Esprit doit être en ma puissance. Tâchons de briser la lyre. Hélène mourra, et Albertus deviendra fou. (Il veut briser la lyre.)

Chœur des esprits célestes. Arrête, maudit ! Tu ne peux rien sur elle. Dieu protége ce que tu persécutes. En faisant souffrir les justes, tu les rapproches de