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les sept cordes de la lyre

Méphistophélès. Permettez. D’abord le délire d’Hélène n’augmente pas. Hier, toute la journée, après sa promenade au bord de l’eau, elle a été pleine de raison.

Albertus. Il est vrai que son délire n’a commencé qu’au moment où je lui ai refusé la lyre. Alors, elle s’est enfuie de la maison, et je n’ai pu la rejoindre qu’au sommet de la grande tour.

Méphistophélès. Aussi pourquoi vouliez-vous l’empêcher de faire résonner la lyre ?

Albertus. Je craignais ce qui est arrivé. En la voyant si sensée et suivant avec tant de clarté une leçon assez abstraite que je venais de lui donner, je me flattais de la voir guérie, et j’aurais voulu que la lyre fût anéantie ; car, n’en doutez pas, tout son délire vient de cet instrument.

Méphistophélès. Sans aucun doute. Vous avez toujours pris pour un conte, pour une rêverie du vieux Meinbaker, un fait très-certain. Le premier accès de folie d’Hélène et la longue maladie qui en fut la suite n’eurent pas d’autre cause qu’un attouchement à la lyre.

Albertus. Le fait est bien constaté pour moi aujourd’hui. Mais qu’il reste à l’état de prodige ! je ne m’en tourmenterai plus. Hélène pouvait périr victime de ma curiosité. Dieu merci ! elle a échappé aujourd’hui à son dernier danger : la lyre est anéantie. Elle l’a jetée du haut de la flèche sur le marbre du parvis.

Méphistophélès. Ce qui n’empêche pas qu’elle ne soit intacte. Vous la retrouverez sur son socle dans votre cabinet. Il n’y manque d’autres cordes que celles ôtées par vous-même, et la table n’est pas seulement fêlée. Ses figures n’ont perdu ni bras ni jambes dans