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les sept cordes de la lyre

nathas. Prédictions incompréhensibles ! vous vous êtes pourtant réalisées avec une justesse dont une science plus grande que la mienne serait épouvantée. Mais plus le mystère paraît impénétrable, plus ma conscience doit en chercher l’explication ; je la dois aux hommes, je me la dois à moi-même, cette solution, sans laquelle leur esprit et le mien peuvent rester à jamais trompés… Les hommes !… ma conscience ! Est-ce donc pour eux, est-ce donc pour elle que j’ai tenté l’expérience ? Est-ce l’amour de la vérité qui m’a guidé en tout ceci ? est-ce lui qui me dévore en cet instant ? Ah ! malheureux, avoue qu’en brisant ces deux dernières cordes un amour insensé de la vie, une soif ardente des passions t’a seule entraîné !… Oh ! comme ma main tremblait, comme ma poitrine était en feu lorsque j’ai suivi le conseil du juif ! Je m’attendais encore à voir le ciel s’obscurcir, la terre trembler et ma maison s’écrouler sur moi. Rien de tout cela n’est arrivé, et même je n’ai point entendu les cordes d’acier rendre un son plaintif comme celles que j’avais déjà brisées. Cette fois, la lyre a été muette ! Peut-être que c’est ma conscience qui est devenue sourde !… Quel est donc mon crime, cependant ? Si l’action est utile en elle-même, qu’importe qu’une mauvaise intention se soit glissée malgré moi parmi les bonnes ? Je devais poursuivre ici la vérité à travers les épreuves ; et, quand même la paix de mon âme en serait à jamais troublée, c’est encore un sacrifice que je dois à mon œuvre.

méphistophélès, se montrant sous la figure du juif. Mille pardons si je surprends sans façon le secret de vos pensées. Les grands esprits ont la mauvaise habitude de causer tout haut avec eux-mêmes. Cela ne