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lettres à marcie

laissé choir votre bouclier. Relevez-le, tâchez de parer les coups d’une destinée facile à vaincre. Vous le devez ; donc, vous le pouvez.

La solitude où vous vivez est une rude épreuve si vous aimez le monde. Mais comment se ferait-il qu’avec la simplicité que je vous connais, vous aimassiez le monde ? Vous l’avez vu, vous savez ce qu’il peut vous offrir. Vous avez été frappée de la médiocrité des choses et des gens dont vous vous étiez fait la plus grande idée. Vous y avez vu que même les gens réellement distingués y perdaient l’apparence de leur supériorité, par la réserve qu’ils étaient forcés de s’y imposer, par la méfiance qu’ils y éprouvaient. Vous-même, vous vous y êtes sentie glacée et contristée, et les éloges que vous y avez reçus vous ont semblé plus blessants qu’agréables, car on y avait remarqué de vous tout ce que vous ne prisez pas, et on y avait méconnu tout ce qui eût dû être apprécié.

Eh bien, cependant, je crains que vous n’ayez rapporté de votre excursion dans le monde un peu d’envie d’y jouer votre rôle, non pour lui complaire, vous ne l’estimez pas assez pour cela, mais pour vous venger de lui en l’humiliant. Vous voudriez bien le fuir, mais vous aimeriez qu’on sût le mépris que vous en faites. L’idée que telle personne vous plaint de votre pauvreté et qu’on s’imagine vous inspirer des regrets, vous blesse et vous offense. Ne l’avouez pas si vous me trouvez trop pénétrant ; mais songez à extirper de votre repos cette plante parasite, l’opinion d’autrui, le vain bruit du monde, et, dans l’énumération que vous faites de vos ennemis, rayez celui-là. Écrasez-le comme une mouche importune, ce n’est rien de plus. Vous avez vingt-cinq ans, vous êtes belle, votre intel-