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les sept cordes de la lyre

Hélas ! quelle est donc la faiblesse des liens dont tu nous enchaînes, puisque, après des années d’immolation, après la moitié d’une vie consacrée à l’héroïque persévérance, nous ressentons encore avec tant d’amertume l’horreur de la solitude et les angoisses de l’ennui !…

Souverain esprit, source de toute lumière et de toute perfection, toi que j’ai voulu connaître, sentir et voir de plus près que ne font les autres hommes, toi qui sais que j’ai tout immolé, et moi-même plus que tout le reste, pour me rapprocher de toi en me purifiant ! puisque toi seul connais la grandeur de mes sacrifices et l’immensité de ma souffrance, d’où vient que tu ne m’assistes pas plus efficacement dans mes heures de détresse ? D’où vient qu’en proie à une lente agonie, je me consume au dedans comme une lampe dont la clarté jette un plus vif éclat au moment où l’huile va manquer ? D’où vient qu’au lieu d’être ce sage, ce stoïque dont chacun admire et envie la sérénité, je suis le plus incertain, le plus dévoré, le plus misérable des hommes ? (s’approchant du balcon.) Principe éternel, âme de l’univers, ô grand esprit, ô Dieu ! toi qui resplendis dans ce firmament sublime et qui vis dans l’infini de ces soleils et de ces mondes étincelants, tu sais que ce n’est point l’amour d’une vaine gloire ni l’orgueil d’un savoir futile qui m’ont conduit dans cette voie de renoncement aux choses terrestres. Tu sais que, si j’ai voulu m’élever au-dessus des autres hommes par la vertu, ce n’est pas pour m’estimer plus qu’eux, mais pour me rapprocher davantage de toi, source de toute lumière et de toute perfection. J’ai préféré les délices de l’âme aux jouissances de la matière périssable ; et tu sais, ô toi qui lis dans les