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lettres à marcie

à cette fusion avec l’infini, sans avoir mérité de telles faveurs par de rudes combats, par de longues souffrances ? Quel esprit audacieux s’imaginera qu’il suffit d’entrer dans le temple et de soulever le voile du sanctuaire pour embrasser la divinité ! Il faut passer bien des jours et bien des nuits à genoux sur les marches du parvis, il faut avoir affronté bien des soleils dévorants, essuyé bien des pluies glacées, avoir été battu par l’orage, courbé jusqu’à terre par le vent, ou bien il faut n’avoir pas eu un instant de faiblesse, une heure de langueur et de doute dans sa vie ; il faut n’avoir rien commis ou tout expié, pour oser se présenter à la communion intime de la haute sagesse et de la haute piété. Si telle est votre ambition, Marcie, songez que c’est une ambition subite, ardente, audacieuse, et qu’à votre point de vue religieux et philosophique, il n’est peut-être donné aujourd’hui à dix personnes de réaliser. Ces épreuves terribles que les prêtres de Memphis faisaient subir à leurs adeptes avant de leur révéler les mystères sacrés sont une image de la persévérance et de l’humilité qui devraient préluder à de telles initiations.

D’ailleurs, il faudrait savoir si de semblables résolutions sont possibles à soutenir sans le concours des circonstances extérieures, sans une règle, sans une volontaire captivité, sans l’appareil des monastères, sans la consécration du vœu formulé, sans l’appui, l’aide et la force toujours éveillée d’une autorité matérielle solidaire envers le monde. L’Église catholique a jugé ces contraintes domestiques et sociales nécessaires à l’observation des vœux, et, voulant admettre tous ses lévites à l’état sublime de virginité, elle a dû procéder par tous les moyens pour