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carl

fus pris, à H… d’un accès de fièvre assez violent et forcé de garder le lit pendant plusieurs jours. J’étais logé à l’hôtel de l’Aigle blanche, unique et sale auberge de ce pauvre village. J’y manquais de tout, et, pour surcroît de malheur, j’avais affaire au plus dur de tous les hôtes. Ma tenue de touriste faisait penser à cet avare qu’il aurait médiocrement à spéculer sur moi, et mon état d’accablement physique et moral ne me permettait guère de me plaindre. Je fus abandonné sur un misérable grabat, et bien me prit d’être assisté de la plus robuste constitution. Heureusement aussi, la Providence, qui nous visite sous une forme inattendue dans nos détresses, m’envoya un ami : humble, douce et touchante assistance qui ne s’effacera jamais de mon souvenir.

Cet ami, c’était le plus jeune des enfants de l’aubergiste garçon de quinze à seize ans, grand, mince, maladif, peu intelligent en apparence, mais plein de zèle généreux et de naïves attentions. Sa bonté naturelle l’ayant porté à me secourir, il fit tout ce qui dépendait de lui pour réparer la grossière indifférence et les suspicions cupides de son père. Ce qu’il put me procurer fut peu de chose, et, en vérité, je n’avais guère besoin que d’eau à boire à grandes doses, et d’un peu de société ; car rien n’augmentait ma fièvre comme l’effroi de me trouver seul et privé des soins de l’affection au début d’une maladie dont le degré de gravité était matière pour moi à de pénibles conjectures.

Mon jeune hôte passa plusieurs nuits à mon chevet, et, dans le jour, il vint d’heure en heure s’informer de mon état, malgré les dures remontrances et les menaces brutales de son père, qui semblait le haïr et qui