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le dieu inconnu

— Vieillard, j’ai senti les blessures de l’orgueil et la satiété des plaisirs, et, comme je suis jeune encore et que la tristesse me gagne, j’ai invoqué le ciel pour qu’il me rendît mes joies premières ; mais c’est en vain que j’ai sacrifié à toutes les divinités qui pouvaient me secourir. — En vain j’ai fatigué de mes pieds les marches de ton temple, ô Vénus ! je t’ai présenté six couples de jeunes colombes d’Afrique plus blanches que le lait ; j’ai touché de mes mains tremblantes et de ma bouche flétrie, au sein de la statue de Junon Victorieuse, la ceinture d’or incrustée de pierreries, image de celle que tu lui prêtas, dit-on, pour ressaisir l’amour de son immortel époux, le maître des dieux. Tu ne m’as pas rendu le pouvoir de plaire, déesse oublieuse ! et Junon, la fière souveraine de l’Olympe, ne m’a pas inspiré l’orgueil qui console de l’amour. — En vain j’ai brodé des voiles de Tyr pour te les présenter, ô Pallas ! tu ne m’as donné ni la sagesse, ni le goût des études et des travaux ! Hébé, c’est à toi que j’ai fait les plus riches offrandes, à toi que j’ai sacrifié des génisses sans tache et des agneaux d’un an. Le temps n’est plus où ta main invisible effaçait au front de tes privilégiées les premières rides qu’y imprime le temps ; où ta tendresse faisait chaque matin refleurir les roses sur leurs lèvres. Tu laisses les larmes creuser mes joues, et la couleur de l’iris s’étendre autour de mes paupières. — Ô toi, Cupidon, fils du Soleil, ne t’ai-je pas sacrifié le premier-né du lièvre, avant qu’il eût goûté le thym et la sauge dans les montagnes ! N’ai-je pas fait venir de Grèce des myrtes éclos dans les bosquets d’Amathonte et de Gnide, pour en semer les fleurs sur ton autel ? — Amour, ô Amour ! m’as-tu assez oubliée !