Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
313
coup d’œil général sur paris

ture de Dieu, à transformer ce monde par le travail, par la religion, par l’amour, au lieu d’y perpétuer le mensonge et le forfait de l’inégalité ! Non ; vous n’êtes pas homme du monde ; car vous ne connaissez ni le monde ni l’homme !

Suis-les, lutin investigateur ; monte dans leur carrosse, et entre avec eux dans ces hôtels, dans ces salons où brille et sourit froidement ce qu’ils appellent leur monde. Je suppose que, de la région céleste où tu déployais ton vol, tu fusses tombé tout à coup au milieu d’un bal aristocratique, sans avoir eu le temps de jeter un regard sur les plaies de la pauvreté : le spectacle qui se fût déployé alors sous tes yeux t’eût fait croire à l’âge d’or de nos poëtes. Si tu n’avais pas eu la faculté surnaturelle de plonger dans les cœurs, et d’y lire l’ennui, le dégoût, la crainte, les souffrances de l’amour-propre, les rivalités, l’ambition, l’envie, toutes ces mauvaises passions, tous ces remords mal étouffés, toutes ces appréhensions de l’avenir, toute cette peur de la vengeance populaire qui expient le crime de la richesse ; si, enfin, tu t’étais arrêté à la surface, n’aurais-tu pas cru contempler une fête véritable, et assister à la communion des membres de la famille humaine, au sein des joies conquises par le travail, par les arts et par les sciences ? Car, en vérité, toutes ces joies sont légitimes en elles-mêmes. Ces palais, ces buissons de fleurs au milieu des glaces de l’hiver, ces jets d’eau qui reflètent la lumière des lustres, ces globes de feu qui effacent l’éclat du jour, ces tentures de velours et de moire, ces ornements où l’or brille sur tous les lambris, ces parquets où le pied vole plutôt qu’il ne marche, cette douce chaleur qui transforme l’atmosphère et neutralise la rigueur des saisons,