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coup d’œil général sur paris

des mendiants auxquels vous jetez une obole, mais dont vous craindriez d’effleurer le vêtement immonde ; tant qu’il y aura ce contraste révoltant d’une épouvantable misère, résultat de votre luxe insensé, et des millions d’êtres victimes de l’aveugle égoïsme d’une poignée de riches, vos fêtes feront horreur à Satan lui-même, et votre monde sera un enfer qui n’aura rien à envier à celui des fanatiques et des poëtes.

Mais, diras-tu, faut-il mettre le feu aux hôtels ou fermer la porte des palais ? faut-il laisser croître la ronce et l’ortie sur ces marbres, aux marges de ces fontaines ? faut-il que la beauté revête le sac de la pénitence, que les artistes partent pour la terre sainte, que les arts périssent pour renaître sous une inspiration nouvelle, que la société tombe en poussière afin de se relever comme la Jérusalem céleste des prophètes ? Tout cela sera bien inutile à conseiller, lutin, et encore plus inutile à entreprendre sans lumière et sans doctrine. Un élan nouveau et subit de l’aumône catholique ne remédierait à rien, pas plus que certains essais de transaction pratique entre l’exploiteur et le producteur, conseillés aujourd’hui par les prétendues intelligences du siècle. L’aumône, comme la transaction, ne sert qu’à consacrer l’abandon du principe sacré et imprescriptible de l’égalité. Ce sont des inventions étroites et grossières, au moyen desquelles on apaise hypocritement sa propre conscience, tout en perpétuant la mendicité, c’est-à-dire l’abjection et l’immoralité de l’homme ; tout en prolongeant l’inégalité, c’est-à-dire l’exploitation de l’homme par l’homme. La doctrine est faussée par ces tentatives ; il faut une autre science, basée sur la doctrine. Mais ce n’est pas toi, Flammèche, qui aideras à la chercher ;