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les sept cordes de la lyre

mais, comme leur perfection était consacrée par l’admiration des siècles passés, vous ne vous êtes pas mis en garde contre l’instinct naturel qui vous révélait, à vous aussi, cette perfection. Cependant, il existe, dans les siècles les moins féconds en génies, des hommes capables de succéder à Phidias ; on les méconnaît, et on les étouffe. C’est parce qu’on s’est contenté de jeter un coup d’œil sur les œuvres de Phidias, sans croire qu’il fût nécessaire de les étudier. Eh bien, maître, les dispensateurs de récompenses et de distinctions créées par les princes sont, par nature et par éducation, ennemis du beau. Le devoir du logicien serait de chercher partout le beau, de le découvrir, de le proclamer et de le couronner. En passant à côté de lui avec indifférence, vous faites aux hommes un aussi grand mal que si vous laissiez périr un monument de la science. Tous les hommes ont soif du beau ; il faut que leur âme boive à cette source de vie ou qu’elle périsse. Les organisations humaines diffèrent : les unes aspirent à l’idéal par l’esprit, d’autres par le cœur, d’autres par les sens. Si vous voulez que les organisations humaines se perfectionnent, et qu’arrivant à un équilibre magnifique, elles conçoivent également l’idéal par l’esprit, par le cœur et par les sens, n’éteignez aucune de ces facultés ; car n’espérez pas amener d’abord tous les hommes à la vérité par les mêmes moyens. À ceux chez qui la beauté idéale ne peut se manifester que par les sens, donnez, pour préservatif contre la débauche, la nudité sacrée de la Vénus de Milo. Voyez votre erreur, à vous autres moralistes, qui vous détournez avec crainte de cette beauté matérielle comme d’un objet impudique et propre à troubler