Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
les sept cordes de la lyre

cette lyre, comme si vous faisiez semblant de copier ? Vous n’imitez pas seulement la pose.

LE MAESTRO. Sans doute. Au lieu de ces deux figures si souples et penchées l’une vers l’autre avec tant de grâce, vous tordez en arrière deux troncs grotesques, et vous les disposez dans un plan tout à fait inverse du modèle. Il est possible que cela soit original ; mais je n’y vois aucun rapport avec la lyre d’Adelsfreit.

LE PEINTRE. Cher maestro, vous êtes trop lourd pour faire de l’esprit ; contentez-vous de piller les grands maîtres et de nous donner pour les inspirations de votre muse des vols infâmes mal déguisés sous une broderie de mauvais goût ; laissez l’ironie légère à monsieur, qui s’en sert si bien, comme chacun sait, et dont les anathèmes sont, pour les hommes comme moi, des brevets d’immortalité. (au critique.) Oui, monsieur, je vous brave et vous méprise ; vous le savez bien. En voyant cette simple esquisse empreinte d’une grandeur à laquelle vous ne sauriez atteindre, vous pâlissez de rage ; et, ne pouvant comprendre ni la beauté ni la grâce, vous affectez de voir des sujets grotesques dans ces emblèmes charmants de la séduction…

LE CRITIQUE, au maestro. Emblèmes de la séduction ! deux satyres hideux, pris de vin et se renversant avec un rire obscène !

LE MAESTRO, au peintre. Sur l’honneur ! mon maître, vous avez la vue troublée ou l’esprit égaré. Ces deux hommes à pieds de bouc sont une composition indigne de vous. Remettez-vous, je vous prie ; ouvrez les yeux, et ne prenez point en mauvaise part l’avis, que je vous donne dans votre intérêt, de les anéantir.