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les sept cordes de la lyre

régulières, les types éternels de beauté et de vérité qu’il n’appartient pas aux générations de changer. Depuis Homère, toute tentative d’invention n’a servi qu’à signaler le progrès incessant et fatal d’une décadence inévitable. Ô vous qui voulez manier le cistre et la lyre, étudiez le rhythme et renfermez-vous dans le style. Le style est tout, et l’invention n’est rien, parce qu’il n’y a plus d’invention possible.

LE PEINTRE. Voilà un discours magnifique ;

Mais tournez-vous, de grâce, et l’on vous répondra.

LE POËTE. Vous qui nous insultez lâchement, vous, impuissant par système parce que vous l’êtes par nature, vous qui nous accusez d’impuissance parce que vous espérez nous décourager et nous faire descendre à votre niveau, prouvez donc que vous êtes capable de produire quelque chose, quoi que ce soit. Faites seulement un vers passable, pour prouver que vous avez étudié la forme. Je vous en défie.

LE PEINTRE. Tracez seulement une ligne avec ce crayon.

LE MAESTRO. Faites Seulement un accord avec cette lyre ; c’est là que je vous attends.

LE CRITIQUE. Les vaines fumées de la gloire sont pour moi sans parfum. Réfugié sur les sommets d’une immuable équité, nourri de joies sérieuses et durables, j’ai méprisé les jouets futiles que vous appelez vos sceptres et vos couronnes : je vous les ai laissé ramasser. Si j’avais voulu, moi aussi, j’aurais joui d’une gloire éphémère et brillé d’un éclat frivole. J’ai préféré être votre conseil, votre appui, votre maître à tous ! Disciples indociles, prenez garde ; si vous