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les sept cordes de la lyre

ALBERTUS. Tu as juré à ton père mourant de ne jamais toucher à cette lyre qu’il croyait enchantée. Les fantaisies des mourants doivent être sacrées comme les arrêts de la sagesse. Ma fille, craignez l’effet des sons sur votre cerveau débile !

CARL. Chère Hélène, vous n’êtes pas bien. Je ne sais ce que tout cela signifie, mais écoutez maître Albertus ; c’est un homme sage et qui vous aime.

HÉLÈNE, parlant à la lyre. Je ne t’ai point profanée, et mes mains sont pures, tu le sais bien. J’ai tant désiré te connaître et m’unir à toi ! Ne veux-tu pas me parler ? Ne suis-je pas ta fille ? (À Albertus et à Carl qui veulent lui ôter la lyre.) Laissez-moi, hommes ! je n’ai rien de commun avec vous. Je ne suis plus de votre monde. (À la lyre.) Je t’appartiens. Veux-tu enfin de moi ?

HANZ., à Albertus. Ô maître ! laissez-la, respectez son extase. Voyez ! comme elle est belle ainsi, pliée jusqu’à terre sur un de ses genoux ! Voyez ! comme elle appuie avec grâce la lyre sur un autre genou, et comme ses bras d’albâtre entourent la lyre avec amour !

ALBERTUS. Jeune enthousiaste, vous ne savez pas à quel péril elle s’abandonne ! Craignez pour sa raison, pour sa vie, qui ont été compromises par le son de cette lyre !

HANZ. Voyez, maître : ceci tient du prodige ; les rubans de sa coiffure se brisent et tombent à ses pieds ; sa chevelure semble s’animer comme si un souffle magique la dégageait de ses liens brillants, pour la séparer sur son front et la répandre en flots d’or sur ses épaules de neige. Oui, voilà ses cheveux qui se roulent en anneaux libres et puissants comme ceux d’un jeune enfant qui court au vent du matin. Ils rayonnent, ils