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les sept cordes de la lyre

albertus. Qu’entend-il par l’autre ?… La musique ?

méphistophélès, à part. Ah ! nous commençons à dresser l’oreille. (Haut et continuant à lire.) « Tout être intelligent sera une lyre, et cette lyre ne chantera que pour Dieu. La langue des rhéteurs et des dialecticiens sera la langue vulgaire. Et les êtres intelligents entendront les chants du monde supérieur. Comme l’œil saisira le spectacle magnifique des cieux et surprendra les merveilles cachées de l’ordre infini, l’oreille saisira le concert sublime des astres et surprendra les mystères de l’harmonie infinie. Ceci ne sera pas une conquête des sens, mais une conquête de l’esprit. C’est l’esprit qui verra le mouvement des astres, c’est l’esprit qui entendra la voix des astres. L’esprit aura des sens, comme le corps a des sens. Il se transportera dans les mondes de l’infini et franchira les abîmes de l’infini. Cette œuvre est commencée sur la terre. L’homme s’élève, par chaque siècle, de cent mille et de cent millions de coudées au-dessus du limon dont il est sorti. Il y a loin des corybantes que le choc des boucliers d’airain mettait en fureur aux chrétiens qui se prosternent en écoutant les soupirs de l’orgue. L’homme comprendra enfin que, si le métal a une voix ; si le bois, si les viscères et le larynx des animaux, si le vent, si la foudre, si l’onde ont une voix ; si lui-même a, dans ses organes matériels, une puissante voix ; son âme, et l’univers, qui est la patrie de son âme, ont des voix pour s’appeler et se répondre. Il comprendra que la puissance de l’harmonie n’est pas dans le son produit par le bois ou le métal, encore moins dans le puéril exercice des doigts ou de la glotte, pas plus que le mouvement perpétuel n’est dans les machines de bois ou de métal que peut créer une