Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/21

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qui empoisonne ses armes ». Le mot est de Sainte-Beuve, qui prévenait George Sand de ce qui allait arriver[1]. L’événement a justifié ce mot. Passons.

Il faut s’arrêter, au contraire, sur les deux ou trois questions qui, seules, offrent de l’intérêt et font la moralité (ai-je dit la moralité ?), en tout cas la vérité de l’affaire.

Et d’abord, George Sand a-t-elle trahi Musset, ce qu’on appelle trahi ? Au sens rigoureux du mot, non. M. Spoelberch de Lovenjoul a justement fait ressortir ce point. Il y eut chez l’amante (et nous ne disons pas cela pour l’en louer), amours successifs, ou liaisons successives, mais après rupture complète avec Musset et en toute liberté de fait. Il y eut, chez l’amant, rupture volontaire, et qu’il devait croire définitive, surtout après ces mots par lui prononcés : « Je ne t’aime pas. » Les torts de Musset étaient graves, de ceux qu’une femme, si in-

  1. Spoelberch de Lovenjoul, p. 229. — Rappelons qu’Alfred de Musset fit promettre à Papet de ne jamais communiquer à son frère les fameuses lettres, prévoyant l’usage qu’il en ferait. D’autre part, Sainte‑Beuve avait écrit à George Sand, dès le lendemain du jour (30 janvier 1861) où il reçut copie de la correspondance Sand-Musset : « Je connais à fond l’adversaire, celui qui veut paraître jouer le beau rôle, et je sais ce que le frère en disait « in extremis ». (Note communiquée par M. Émile Aucante.)