Page:Sand - Lettres a Alfred de Musset et a Sainte-Beuve.djvu/40

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génie de Musset de cet amour lui vint de George Sand, dès la première étreinte de leurs âmes ; et comment le mal qui lui en vint par la suite, il ne le dut qu’à lui-même. Nous ne ferons que toucher ce chapitre très délicat, et dans l’esprit même qu’imposait George Sand à l’éditeur de ses lettres, « avec un grand respect pour la mémoire d’Alfred[1] ».

L’amour qui les avait précipités l’un vers l’autre avait son origine dans une égale supériorité de génie, sinon, comme ils le crurent, dans une réelle parité de nature. Alfred le dit et le redit, en son style merveilleux : « Le ciel nous avait faits l’un pour l’autre ; nos intelligences, dans leur sphère élevée, se sont reconnues comme deux oiseaux des montagnes : elles ont volé l’une vers l’autre, mais l’étreinte a été trop forte[2]. » Un tel amour, même traversé, quitté, repris, brisé et piétiné devait demeurer longtemps vif et douloureux chez l’un, longtemps chéri et regretté, — quoi qu’on ait pu dire, — chez l’autre.

Ce qui le caractérise, chez George Sand, c’est la longue portée de sa prévoyance, et la noble ardeur de son ambition pour celui

  1. Lettre à M. Émile Aucante, p. 3.
  2. Marîéton, p. 154.