Page:Sand - Lettres d un voyageur.djvu/274

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Minuit.

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Ô souffle céleste, esprit de l’homme ! ô savante, profonde et complète opération de la Divinité, rends gloire à l’ouvrier inconnu qui t’a créé ! Étincelle échappée au creuset immense de la vie, atome sublime, tu es une image de Dieu ; car tous ses attributs, tous ses éléments sont en toi. Tu es l’infini émané de l’infini. Tu es aussi grand que l’univers, et tes plus chères délices sont d’habiter et de parcourir l’inconnu……

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De quoi se plaint cette rachitique et hargneuse créature ? Que veut-elle ? à qui en a-t-elle ? Pourquoi se roule-t-elle à terre en mordent la fange de la vie ? Pourquoi, s’assimilant sans cesse à la brute, demande-t-elle les jouissances de la brute, et pourquoi tant de rugissements haineux, tant de plaintes stupides, quand ses besoins grossiers ne sont pas satisfaits ? Pourquoi s’est-elle fait une existence toute matérielle, où la partie sublime d’elle-même est éteinte ?

Ah ! de là est venu tout le mal qui la dévore. Cybèle, la bienfaisante nourrice, a vu ses mamelles se dessécher sous des lèvres ardentes. Ses enfants, saisis de fièvre et de vertige, se sont disputé le sein maternel avec une monstrueuse jalousie. Il y en a eu qui se sont dits les aînés de la famille, les princes de la terre ; et des races nouvelles sont écloses au sein de l’humanité, races d’exception qui se sont prétendues d’origine céleste et de droit divin, tandis qu’au contraire Dieu les renie ; Dieu qui les a vus éclore dans le limon de la débauche et dans l’ordure de la cupidité.

Et la terre a été partagée comme une propriété, elle qui s’était vue adorée comme une déesse. Elle est devenue une vile marchandise ; ses ennemis l’ont conquise et dépecée… Ses vrais enfants, les hommes simples qui savaient vivre selon les voies naturelles, ont été peu à peu resserrés dans d’é-