Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/115

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grand air de jeunesse. J’avais peine à détacher mes yeux de cette odalisque, et, tout en blâmant en moi-même les amours turques de mon Anglais, j’enviais par moment son sort.

Mais cela ne faisait point que je fusse amoureux de sa compagne. Elle me paraissait trop nulle, trop irresponsable dans la vie qu’elle menait, pour être aimée autrement qu’avec les sens, et, comme je n’étais point un ermite, cela n’eût pas suffi pour me troubler. D’ailleurs elle n’était pas toujours aussi séduisante. Lorsqu’elle montait à cheval le matin avec son mari, cette amazone étriquée qui faisait ressortir la maigreur de son buste, cette casquette de jockey dont la mentonnière faisait saillir son angle facial, sa gaucherie à manier sa monture, ses cris puérils quand elle avait peur, ou ses rires inextinguibles sans motif, tout cela ne convenait point à son type frêle et nonchalant.

Je vécus d’abord très-seul. Le pays était admirable. Je m’étais assez occupé des sciences naturelles pour trouver beaucoup d’intérêt dans mes excursions. Je ne perdais pas l’occasion de visiter les malades pauvres qui m’appelaient et à qui je donnais gratuitement mes soins. J’avais besoin d’exercer mon état et d’acquérir de l’expérience par mes observations. Je craignais d’oublier la médecine auprès de mon patron,