Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/145

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» — Il faut l’oublier, commencer une vie nouvelle, redevenir digne de l’affection d’un honnête homme. Je ne puis m’occuper de vous directement ; j’ai une vie trop errante. Sans famille, je m’ennuie un peu partout. D’ailleurs, vous voyez, vous seriez soupçonnée, et je ne vous ai pas sauvée pour vous perdre. Je vais vous conduire en France ou en Angleterre pour vous mettre dans une famille honorable ou dans une bonne institution, et plus tard, si vous vous conduisez bien, je m’occuperai paternellement de vous établir.

» Je tombai à ses genoux pour le remercier et le bénir. Il me releva vite, m’embrassa au front et se retira précipitamment.

» J’avais été si ébranlée que je ne fus point en état de partir tout de suite. J’avais des battements de cœur qui m’étouffaient. Enfin la semaine suivante, nous étions, M. Brudnel, son jeune médecin et moi, en route pour la France.

» Ce voyage me parut délicieux dans la compagnie d’un homme aussi aimable et aussi bon que M. Brudnel. Je sentais que je pouvais avoir en lui une entière confiance. Il n’avait guère alors que cinquante-cinq ans, et il était si bien conservé, que je ne lui en donnais pas quarante. Je l’aimai donc sans me souvenir d’en avoir aimé un autre la veille ; celui-là, je le mépri-