Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/18

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l’aimerait si elle le voyait, car il n’a plus l’air d’un enfant, et, sans nous vanter, il est aussi beau qu’elle est belle.

— Ah ! voilà le fond de la chose, tu veux les présenter l’un à l’autre !

— Comme deux fiancés, pourquoi non ? Le père y consentirait, je le sais, et même nous avons pris rendez-vous…

— Je ne veux pas ! s’écria vivement ma mère.

— Mais songe donc…

— J’y ai songé ! Jamais mes enfants ne feront alliance avec des gens de ce métier-là.

— Allons, allons, méchante ! ne méprisez pas tant votre mari et la fortune qu’il vous a donnée. Vos enfants auront beau faire, ils ne se marieront pas aisément selon vos idées. La chose aura beau être tenue secrète, un jour viendra où on ira aux informations minutieuses, et les gens à préjugés comme vous diront que la source de notre aisance est impure. Vous recevrez quelque affront pour avoir visé trop haut, et nos enfants n’auront de tout cela que chagrin et humiliation, tandis qu’en restant dans leur milieu naturel… Voyons, je ne te parle pas d’envoyer notre Laurent dans la montagne pour faire le coup de fusil contre les douaniers et pour passer la contrebande dans des