Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/229

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ne crois pas avoir démérité dans mon rôle de père vis-à-vis de vous, et je vous supplie de ne pas vous estimer si peu que de vous livrer à la destinée sans aucune garantie. Ne dites plus rien, mon enfant. Je sais que, quand votre cœur est surexcité, il trouve l’éloquence que vous n’avez jamais voulu étudier dans les livres. Vous sentiez apparemment que vous n’en aviez pas besoin. Vous êtes… ce que vous êtes ! une admirable nature d’enfant, héroïque parce que vous ne regardez jamais le danger. Enfin, vous êtes vous-même, différente de tous les autres types, capable de rouler dans les abîmes sans avoir eu la pensée du mal. Il ne faut pas que cela soit, c’est à Laurent Bielsa de le comprendre, et, jusqu’ici, je n’ai pu lui arracher un monosyllabe.

Je me décidai enfin à rompre le silence, bien que je ne fusse pas éclairé à mon gré par tout ce qui venait de se passer. Je priai M. Brudnel de me laisser lui parler seul à seul, et Manuela fit le mouvement de se retirer.

— Non ! s’écria M. Brudnel, dont les joues se colorèrent vivement et dont les yeux prirent un soudain éclat. Je ne veux pas de confidences que l’un de nous trois ne pourrait pas entendre. Ou je suis un honnête homme en qui l’on a une confiance absolue, ou nous