Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/239

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elle, je revins précipitamment, en proie aux furies.

Rentré dans la villa, je ne savais plus que faire, quelle contenance prendre, quel prétexte donner à mes scrupules et à ma jalousie. Comme j’errais dans le vestibule, Dolorès vint à moi, et, me montrant la petite porte ouverte sur le jardin :

— Elle est là, me dit-elle, elle vous attend.

— Elle est avec M. Brudnel ?

— Non, il a fait dire qu’il ne viendrait pas aujourd’hui.

— Alors, personne ne m’attend, répondis-je. Et je montai à mon appartement. De là, je voyais Manuela dans un de ces endroits découverts qui m’avaient souvent permis de l’apercevoir, rieuse et bruyante, avec sa soubrette et ses animaux familiers. Les animaux, dédaignés maintenant, l’appelaient en vain. Assise sur un banc, les yeux fixés sur ma croisée, elle sourit en m’y voyant paraître et resta là sans faire un mouvement, sans m’adresser le moindre signe d’impatience ou de reproche, mais pâle comme un lis et triste comme une tombe. Je ne pus résister à l’inquiétude. Je lui demandai par signes si elle souffrait du cœur. Elle me répondit de même qu’elle n’en savait rien. J’insistai d’un air d’autorité. Dolorès, qui survint, me dit en pantomime que sa maîtresse était fort malade.