Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/304

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— N’est-ce pas tout simple ? me disais-je ; Jeanne est ma sœur, c’est-à-dire mon honneur même, et, non content de m’avoir repris sa maîtresse, il vient me prendre, jusque dans ma maison, l’idéal de pureté que j’ai le droit et le devoir de défendre ! Lui ! un homme chaste ! Ma mère est une véritable enfant sur ce chapitre. Une femme peut donc être trop honnête et pécher par excès de vertu ! Peut-elle croire que ce vieillard expérimenté embrasse Jeanne paternellement lorsqu’elle avoue elle-même qu’il a eu une jeunesse trop ardente ? Qu’est-ce que tout cela ? Pourquoi Jeanne, si réservée, jette-t-elle ses bras au cou d’un étranger, quand elle tend tout au plus la main aux vieux amis de la famille, quand je n’ose, moi, poser mes lèvres que sur son front ? Et ce mystère ! pourquoi venir le soir par des chemins dérobés ? Jeanne était seule avec lui au jardin l’autre soir ! Et cette nuit elle était levée la première, elle l’embrassait sans témoins ! Elle l’aime donc ? Est-ce elle qu’il épouse ? Me trompe-t-on ? me laisse-t-on pour consolation la problématique fidélité de la Manuela ? Mais tout cela ne peut se décider sans moi, et ma mère exige une patience par trop aveugle ! Je ne veux pas que Jeanne, dupe de la froideur de ses sens ou des bizarreries éthérées de son imagination, séduite peut-être par le nom et