Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/77

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croient la fatalité organique impossible à vaincre.

Quand plus tard, le hasard ayant ramené ce sujet d’entretien, je laissai voir à mon ami une certaine sollicitude, une sorte de compassion pour la fille de Perez :

— Tu regrettes, me dit-il, de n’avoir pas pu tenter la jolie expérience de l’épouser pour en faire une honnête femme ? Je ne dis pas que tu aurais échoué, puisque je ne sais rien d’elle ; mais je reviens à mon examen de ta manière d’aimer. Tu es de ceux qui ont en eux-mêmes une confiance fanfaronne et qui, sous prétexte de respect pour la nature humaine, croient, grâce à leurs perfections, sanctifier ce qu’ils touchent.

— Ne te moque pas, lui dis-je ; je ne sais pas du tout me défendre de la raillerie. Tu sais très-bien que je suis un instinctif, un rustique, que je ne fais pas de théories, que je ne me connais pas, que par conséquent je ne me dédaigne ni ne m’estime. Je me sens porté à plaindre la faiblesse et à la protéger ; je ne me demande pas si je peux la sauver, la sanctifier, comme tu dis. Je me précipite pour secourir quiconque tombe à la mer, sans savoir si je ne me noierai pas avec lui.

— Tu crois cela, donc tu le penses, tu es sincère, je n’en ai jamais douté ; mais, en te jetant ainsi à la