Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/90

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Elle se retourna vers moi et me regarda d’abord avec une expression fâchée, mais elle devint rouge comme si elle était humiliée de la comparaison à établir. Je voulais qu’elle me parlât.

— Pardon, lui dis-je, vous ne me parliez pas, j’ai cru…, je ne suis guide que par occasion !

— Si vous n’êtes pas ce que vous paraissez être, qui donc êtes-vous ?

— Un homme très-mal élevé, un chasseur d’ours.

— Ah ! mais c’est très-beau d’être chasseur d’ours. En avez-vous tué beaucoup ?

— Beaucoup.

— C’est dangereux, n’est-ce pas, cette chasse-là ?

— Très-dangereux.

— Et vous n’avez jamais eu peur ?

— Quand on a peur de l’ours, on est perdu, et, puisque me voilà…

— Comment vous y prenez-vous pour le tuer ?

— À la vieille manière du pays, c’est encore la meilleure : on roule son manteau autour du bras gauche, qu’on lui présente au moment où il se dresse, et de la main droite on lui enfonce un épieu dans le cœur.

— Ah ! c’est effrayant ; ce doit être plus émouvant que les combats de taureaux que j’ai vus en Espagne.