Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/104

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exaucée et que des larmes de joie et de reconnaissance baignaient mon visage… Je ne vous voyais pas, mais votre âme était devant mes yeux comme une lumière ineffable… Et, à présent, vous voilà rendue aux misérables épreuves de la vie, vous voilà choisissant le chemin rempli d’embûches, et infatuée de l’espoir d’un chimérique triomphe ! Et, quand vous l’obtiendriez, ce triomphe si précaire de faire plier un instant les deux genoux à un impie, qu’est-ce que cela au prix de ce que vous perdez de gloire, de bonheur, en renonçant à l’hymen du Christ ! Eh quoi ! cet obscur enfant du siècle est une conquête plus précieuse que la palme immortelle et la lampe éternellement resplendissante des vierges sages !

Adieu, Lucie ! le jour paraît, et le sommeil ne m’a point visité. J’ai beaucoup prié en songeant à vous. Votre réponse dictera ma conduite. Selon ce que vous lui prescrirez, votre ami s’abstiendra de toute sollicitude importune, ou s’introduira au manoir de Turdy sous le nom de Moreali.




VI.


LUCIE À M. MOREALI, À CHAMBÉRY.


Château de Turdy, vendredi soir 7 juin.

Monsieur et ami,

Votre lettre, furtivement remise par un inconnu, m’a surprise et touchée ; mais est-ce votre faute ou la mienne ? c’est, la première fois qu’une lettre de vous ne m’apporte point une satisfaction sans mélange. Je trouve dans celle-