Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/125

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m’avez défendu de haïr et de mépriser les dissidents ; enfin vous m’avez enseigné une religion d’amour, de grâce et de bonté qu’il ne me serait plus possible de changer contre une autre, et pour laquelle je vous bénirai tant que je serai moi-même.

Vos lettres si paternelles et si véritablement évangéliques ont continué votre ouvrage et maintenu mon cœur dans cet état de béatitude jusqu’à l’année dernière. De ce moment, il m’a semblé que vous changiez de sentiment intérieur et que vous me parliez un langage nouveau. Après avoir ajourné pendant des années le désir que j’éprouvais de renoncer au monde, vous m’avez poussée à ce parti avec une énergie soudaine. Il semble que ce vénérable père Onorio, dont vous me parliez avec enthousiasme, ait modifié, dirai-je dénaturé ? votre foi… Vous ne pensiez plus que mon salut fût conciliable avec mes devoirs de famille, et, pendant quelques instants, quelques semaines peut-être, j’ai travaillé à vous obéir en pesant un peu sur la tendresse de mon grand-père, et en le dominant par la crainte de me pousser à la révolte. Mon ami, je me suis vue au seuil du fanatisme, et j’ai eu là quelques accès d’obstination et de malice d’un enfant gâté. Au moment où je commençais à me le reprocher, la désillusion s’est faite à l’égard de l’esprit de la religion de ce temps-ci, et voilà où j’en étais quand votre arrivée m’a surprise, quand votre lettre m’a bouleversée. Ah ! que cette lettre-là ressemble peu aux anciennes, et comme il m’est difficile de vous reconnaître à travers ce ton indigné, chagrin et rempli d’épouvante ! Votre style lui-même est changé comme votre accent, comme votre figure, et je vous ai cru lancé dans ces mystérieuses affaires qui se résolvent toujours par une récolte d’argent, dont l’emploi n’est pas toujours vraiment utile et pieux ! Mon ami, pardonnez-moi de vous dire tout cela ; mais je ne sais