Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ce petit groupe, soit comme un Christ nouveau qui pousse un cri de délivrance vers le ciel. »

J’ai repoussé d’abord cette doctrine sublime qui me paraissait sauvage, et je me suis mis à chercher dans la religion un corps de doctrines qui pût, en deux mots aussi nets que les deux mots du père Onorio, résumer une vérité opposée à la sienne.

Je me suis livré à une suite de travaux ardus, j’ai relu tous les théologiens, j’ai analysé toutes les décisions des conciles, j’ai cherché la source de toutes les croyances discutées, j’ai refait mes classes canoniques pour ainsi dire d’un bout à l’autre. Hélas ! au bout de cet immense travail, je n’ai trouvé que le doute, et la lettre même de l’Évangile, tiraillée par tant d’interprétations contraires, ne m’est plus apparue que comme une faible lueur vacillante au fond des ombres du sanctuaire. Le doute ! horrible supplice, comparable à celui de l’enfer pour une âme nourrie dans la foi ! Ah ! Lucie, j’ai fait mon purgatoire en ce monde, et, un jour, pâle, épuisé de corps et d’esprit, plus semblable à un spectre qu’à moi-même, je suis tombé aux pieds du vieux moine en lui disant :

« Fais de moi ce que tu voudras, pourvu que tu me rendes la faculté de croire. »

Et lui, souriant de ma faiblesse, m’a répondu :

« Te voilà donc enfin rendu ! Tu as bu le vin de l’orgueil jusqu’à la lie dans la coupe de la science. Te voilà érudit, te voilà armé de toutes pièces pour n’importe quelle thèse de pédants. Tu peux répondre à toutes les questions par des milliers de textes différents et montrer aux plus forts que tu sais tout le pour et tout le contre entassés par des siècles de bavardage frivole ! Aussi te voilà fatigué, brisé, et ne croyant plus à rien ! Il te fallait en venir là, et à présent il n’y a plus à choisir hors de ces deux termes : accepter toutes les contradictions des