Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/18

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du moment ! Elle veut vivre et prospérer en élargissant bien ses coudes et en faisant sa provision de bien-être dans la vie réelle. Ne lui demandez pas alors ce qu’elle fait du renoncement chrétien, de l’austérité catholique, du détachement des choses de ce monde, du complet abandon du moi, prescrit et prêché par l’Église primitive. Elle vous rirait au nez, elle vous traiterait d’exagéré, elle vous dirait que vous touchez la question du temporel, question que le pape a jugée au profit de la papauté. Ainsi, faute de réponse, le parti clérical a réponse à tout.

Nous ne nous laisserons pas intimider par l’esprit du temps, par cette indifférence publique qui s’étonne si naïvement du souci des consciences religieuses et des curiosités de la logique. Nous vivons dans un labyrinthe d’ambiguïtés, de commentaires individuels, de fantaisies dévotes, de contradictions, de pratiques extérieures, d’obscurités, de déclamations ardentes et de sous-entendus perfides. Si cela continue et si l’Église, assemblée en concile, n’intervient pas bientôt pour poser des flambeaux sur cette marche de fantômes dans les ténèbres, nous serons forcés de regarder l’orthodoxie romaine comme une interprétation provisoirement soumise à la mode du siècle et à des vues tout à fait matérielles. Tout ce qu’il y a encore d’esprits sincères et d’hommes se respectant eux-mêmes protestera contre cette corruption du sens divin dans l’humanité, tandis que l’Église, qui, par des travaux dignes de sa mission, eût pu se mettre au niveau des progrès accomplis et ouvrir un temple commun à tous les hommes, ne représentera plus qu’une fraction particulière, fraction aujourd’hui menaçante, demain exterminatrice d’elle-même, car on ne brise pas la vie d’un siècle sans se briser avec lui.

J’ai tâché, sous la forme du roman, de faire ressortir quelques-unes des causes qui jettent les esprits droits et les cœurs aimants dans une autre voie que celle du parti clérical. Ces causes sont si nombreuses, que nous avons dû choisir les plus saillantes, celles qui intéressent la vie privée jusqu’à l’évidence, celles qui, par conséquent, rentrent tellement dans l’étude de nos mœurs, qu’en s’abstenant d’aborder ces causes on s’abstiendrait volontairement de peindre les mœurs.