Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui est toujours la meilleure, le postulant présente sa demande au chef de la famille. Je croyais être ce chef unique et seul compétent. Vous avez cru devoir conférer mon titre et mes attributions à M. de Turdy… Soit, la chose est faite ! M. de Turdy a bien voulu m’avertir de vos intentions, et ma fille m’a prié de vous écouter. Je vous écoute, mais je me demande si vous avez agi à mon égard d’une façon dont je doive me montrer satisfait, et si votre peu d’empressement à gagner ma confiance est un bon précédent pour nos futures relations. »

Émile, sans s’effaroucher de cette gracieuse mercuriale, s’est respectueusement justifié en démontrant que, sans la permission de mademoiselle La Quintinie, il n’avait pu se croire autorisé à formuler sa demande ; mais, le général paraissant ne pas comprendre qu’on pût aimer sa fille avant de le connaître, et s’adresser à elle-même au lieu d’aller demander aux autorités civiles ou militaires l’autorisation préalable, il n’y avait guère moyen de s’entendre. Émile a déployé là toute l’habileté possible pour ménager la susceptibilité du père sans compromettre sa propre dignité. Il a été évident pour moi que le général ne comprenait rien à la délicatesse de la situation, au dévouement romanesque d’Émile, et qu’il n’écoutait même pas ce qu’on lui disait, tant il était préoccupé du désir d’être désagréable et de décourager. Émile s’en apercevait fort bien aussi, mais n’en faisait rien paraître, et c’est avec le plus grand calme et la plus parfaite déférence qu’il a demandé une solution à ce que le général traitait de malentendu regrettable, comme s’il se fût agi d’arranger un duel et non un mariage.

Mis au pied du mur, le potentat nous a enfin octroyé une réponse à laquelle, pour mon compte, je ne m’attendais que trop.

« Passons l’éponge, a-t-il dit élégamment, sur le différend