Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/193

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naïvement à plusieurs reprises pourquoi Henri n’était pas là, et, comme je lui offrais de l’aller chercher :

— Non, disait-il, puisqu’il ne s’intéresse pas aux questions ! »

Sa physionomie semblait ajouter : « C’est tant pis pour lui. Il perd l’occasion de s’instruire sur toutes choses en m’écoutant. »

Nous sommes rentrés au salon sans qu’il ait été question de mariage, et tout le reste de la journée il m’a fait assez bonne mine ; d’où je conclus qu’il m’autorisait à faire ma cour à Lucie en attendant qu’il me prît en amitié ou en grippe, et j’avoue que ceci ne me paraît pas entrer dans la marche régulière dont il faisait d’abord tant d’étalage.

Quant à Moreali, c’est bien un autre problème, et je m’y perds. Il m’a été impossible de savoir de Lucie qui il est, d’où il sort, où il va, ce qu’il vient faire ici. Lucie s’est étonnée de ma curiosité ; elle a paru ne pas le connaître plus que moi ; pourtant elle n’a pas répondu d’une manière bien nette à mes questions, et son sourire avait quelque chose d’étrange et de triste quand elle me disait : « Mais qu’est-ce que cela peut vous faire ? »

Nous ne pouvions parler ensemble qu’à la dérobée et à bâtons rompus. On s’est dispersé vers trois heures. Le grand-père m’a retenu pour lui lire une brochure. Henri, pensant que l’attitude du général avec moi était toute la solution à attendre, et selon lui la meilleure, s’était retiré. Le général était retourné au jardin avec Lucie et M. Moreali. J’espérais les rejoindre bientôt ; mais, quand M. de Turdy m’a rendu ma liberté, ils étaient sortis de l’enclos et je les ai aperçus assez haut dans la montagne. Lucie donnait le bras à son père, M. Moreali marchait près d’elle de l’autre côté. Ils s’arrêtaient souvent, comme des gens préoccupés d’un entretien suivi. J’ai cru qu’il y