Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/222

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l’y avait accompagné. Est-ce pour ne pas quitter son ami, ou pour se trouver plus près de Turdy ? Ce doit être pour ce dernier motif, car Aix est une résidence bien bruyante pour un homme de son caractère, et bien trop fréquentée pour un prêtre qui cache son état.

Quoi qu’il en soit, j’ai accepté la promenade avec lui, et je l’ai suivi à travers les prés, affectant un calme qui ne l’a pas trompé, mais qui lui a donné à réfléchir sur la persévérance dont je suis capable.

« Émile, m’a-t-il dit tout à coup, c’est donc un fait accompli ? Vous l’emportez ? Vous avez vaincu tous les scrupules de mademoiselle La Quintinie ? Vous avez sa parole ? »

Il me sembla qu’il me tendait un piége, et, au lieu de lui répondre, je lui demandai d’où il tenait ces renseignements.

« Je ne les tiens pas, répondit-il, je vous les demande. J’espère encore que Lucie n’est pas décidée. Je vous rapporte les appréhensions de son père. J’ai passé la soirée d’hier avec eux, et je n’ai rien à vous cacher : le général est inébranlable, et veut une prompte solution.

— C’est-à-dire qu’il me refuse la main de Lucie ?

— Il vous la refusera si vous n’abjurez pas vos erreurs.

— Vous a-t-il chargé de me signifier mon arrêt ?

— Oui ; mais, si je m’en charge, c’est pour amortir le coup, car c’est avec douleur que je remplis une telle mission. »

J’avais réussi à me maintenir parfaitement calme.

« Vous êtes bien pâle, me dit Moreali ; asseyons-nous.

— Non, monsieur ; un homme doit recevoir debout la blessure qu’il a prévue et bravée. Je ne me répandrai pas en plaintes inutiles. Je vous demanderai seulement