Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/233

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« Est-ce tout ? a dit Émile en souriant et en se tournant vers l’abbé. Ne me demandera-t-on pas d’écrire quelque manifeste contre les opinions de mon père ? »

Cette pointe d’ironie a irrité le général. Il y avait déjà cinq minutes qu’il éprouvait le besoin de se mettre en colère pour couvrir le ridicule de sa situation par un éclat d’autorité. La bombe a éclaté.

« Eh bien, monsieur, s’est-il écrié, si l’on obtenait cela de vous, ce ne serait pas ce que vous feriez de plus mauvais en votre vie !

— J’en juge autrement, a dit Émile ; je me mépriserais d’agir ainsi, et je ne me pardonnerai jamais d’avoir cédé sur le reste. »

La fermeté de son accent et le calme de son attitude ont frappé le général. Il l’a regardé avec surprise et même avec radoucissement. Le vieux homme de guerre, tout absurde qu’il est d’ailleurs, estime l’adversaire qui fait bonne contenance.

« Allons ! vous avez vos principes, a-t-il dit : chacun les siens. Le respect filial est une bonne chose en elle-même. Je ne veux pas vous mortifier, moi !… Je fais cas de vous au fond ; mais vous voyez qu’il n’y a pas de transaction possible. Je vous prie donc de renoncer à ma fille, et qu’il ne soit plus question de cela !

— Je ne puis vous promettre ce que vous me demandez.

— Comment ! vous persistez malgré ma volonté ?

— Plus je respecte votre volonté, moins je l’accepte comme inébranlable.

— Elle l’est, monsieur !

— Le temps seul peut m’apporter cette conviction. Il ne dépend pas de vous de m’interdire l’espérance.

— Ma foi, espérez tant que bon vous semblera, cela vous