Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

moins droit au ciel, parce qu’il est bon et qu’il m’a beaucoup aimée. Oh ! dis ce que tu voudras, il vaut mieux que toi, surtout depuis que tu es dévot ! Aussi tu as toujours été jaloux de lui, fais-y attention : tu avais tort ! je vous aimais autant l’un que l’autre ; mais, si tu continues à faire le fanatique, je l’aimerai mieux que toi, et voilà ce que tu auras gagné !

— Tu me traites de fanatique à présent ? Tu deviens folle ! Tu ne crois donc plus à rien ?

— Je crois plus que jamais, parce que je crois mieux. Et moi aussi, j’ai été fanatique, ou j’ai failli le devenir. J’ai failli me faire religieuse au risque de te désoler, et, quand je pensais à ton chagrin, je travaillais à dessécher mon cœur en exaltant mon cerveau ; mais j’ai réfléchi, je me suis dit : « N’est pas fanatique qui veut. C’est pour quelques-uns une sublimité, parce que leur génie est à la hauteur des plus grandes épreuves. Cela est bon pour M. Moreali et non pour moi. » Eh bien, cela ne vaut rien pour toi non plus, mon général. Tu peux avoir le génie militaire, mais tu n’as pas le génie métaphysique, je t’en avertis. La preuve, c’est que tu ne m’as pas du tout dissuadée d’estimer M. Lemontier et de le préférer au couvent, où j’avais résolu de m’ensevelir.

— Le couvent !… je ne veux pas de ça ! on peut faire son devoir dans le monde, M. Moreali te l’a dit devant moi. Épousez un homme qui pense bien, un homme qui ait vos opinions et celles de votre père…

— Veux-tu faire une gageure ? s’écria mademoiselle La Quintinie ; c’est que M. Moreali, qui me blâme tant de te résister aujourd’hui, m’encouragerait dans le projet de te désobéir en me faisant religieuse !

— Tu mens, ma chère Lucie !

— Gageons ! Tu ne veux pas parier ?

— Je ne veux pas entendre parler de couvent !