apparues sacrées, inaliénables. Enfin le cœur et la conscience, la foi et la raison m’ont parlé ensemble et d’une seule voix m’ont dit : « Aime, mais aime bien et sans réserve ! »
Une circonstance providentielle m’a rendue tout à coup très-forte, de très-craintive que j’avais été d’abord. Je veux que vous soyez bien édifié sur ce point.
J’ai dit à Émile que j’avais connu l’amour ; il m’a dit vous avoir raconté l’histoire de Lucette. Tout à l’heure je vous disais avoir connu l’amitié ; il ne s’agissait pas seulement de mon grand-père. J’ai à vous raconter l’histoire de l’abbé Fervet ; elle sera courte.
L’abbé est un honnête homme : vous le verrez, vous vous en convaincrez. C’est un esprit de premier ordre, un caractère de noble et forte trempe, un chrétien sincère et ardent. Quelque chose manque à son cœur, qui a des élans de sensibilité généreuse et de tendresse vraie, mais qui s’est comme avarié dans les luttes avec l’esprit. Quelque chose aussi s’est affaibli dans l’intelligence, la logique peut-être, en s’exagérant elle-même, ou bien, pour entrer dans vos idées, monsieur, dans vos idées qui deviennent si claires pour moi, peut-être le rétrécissement imposé par lui à son cœur a-t-il eu sa réaction dans le cerveau. M. Moreali n’est plus l’abbé Fervet. Une dévotion trop peu éclairée a aigri le caractère de mon père, un mysticisme trop approfondi a ébranlé l’équité de mon directeur.
Il était mon directeur de conscience au couvent. Je ne me suis jamais confessée à lui, il ne confessait aucune femme. Il avait une dispense à cet égard, je n’ai jamais su pourquoi. J’aimais à le voir placé en dehors et comme au-dessus du détail des vulgarités de la faiblesse humaine. Il me semblait justement réservé pour les décisions d’une haute sagesse, non pour résoudre les ergotages